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Vieillir en bonne santé grâce à la nutrition avec Hélène Lejeune (présidente de l'UPDLF)

Bonjour à toutes et à tous et bienvenue sur Nutrition&Sport&Health,! Aujourd’hui, nous sommes en compagnie de Mme Hélène Lejeune, présidente de l’Union Professionnelle des diététiciens de la langue française (UPDLF) depuis 2018 et diététicienne spécialisée dans l’alimentation de la personne âgée. Elle coordonne depuis de nombreuses années la spécialisation en gériatrie pour les diététiciens.



Comment vous êtes-vous passionnée pour la nutrition de la personne âgée ?


Lorsque je travaillais à Liège au CHC, le projet de dépistage de la dénutrition mis sur pied par le SPF Santé Publique a été proposé aux hôpitaux. Là où je travaillais en tant que responsable diététique, il a été décidé de cibler en 1ère intention les unités gériatriques. Des diététiciennes ont été engagées pour réaliser le dépistage et encoder les informations des patients afin d’alimenter les statistiques du SPF santé publique. Une prise en soin optimale s’imposait donc dès lors que les patients étaient dépistés à risque ou dénutris sévères.


Le CHC comptait, outre les 6 hôpitaux du groupe 8 MR. La mission m’a alors été confiée d’aller voir ce qui se passait en termes de prise en soin nutritionnelle. J’ai aussi été invitée à participer à la co-écriture, notamment avec 2 diététiciennes françaises- d’un ouvrage intitulé « Alimentation et Alzheimer : s’adapter au quotidien [1]». Enfin, dès 2011 j’ai été désignée en tant que diététicienne gériatrique pour coordonner le Plan Wallon Nutrition santé et bien-être des Aînés[2] en collaboration avec la Région Wallonne, l’AViQ dorénavant.


Cela m’a poussée à améliorer mes compétences en matière de prise en soin nutritionnelle de la personne âgée dans tous ses lieux de vie, alors qu’à la base j’avais fait très peu de gériatrie au cours de mes études.


Cela m’a conforté dans l’idée que la prise en charge nutritionnelle des personnes âgées était très différente de celle de l’adulte. Ce qui m’a amené à mettre en place, en 2011, une spécialisation en diététique de la personne âgée. La formation a lieu tous les 2 ou 3 ans et est destinée aux diététicien·ne·s désireux·se·s de se former à la gériatrie.


NSH : Quelles sont les particularités physiologiques du vieillissement qui induisent une attention particulière de l’alimentation ?


Prenons plutôt la question dans l’autre sens : on ne devient pas gériatrique d’un coup, on passe par plusieurs étapes (bonne santé – pré-fragile – fragile – polypathologique/Gériatrique), et notamment une étape de fragilité (précédée d’une étape de pré-fragilité). Cette fragilité est caractérisée par 5 indicateurs majeurs :

(Pré-)Fragilité[3] :

  1. Perte de poids involontaire de + 4.5 kg ou ≥ 5kg depuis 1 an.

  2. Épuisement ressenti par le patient/le résident.

  3. Vitesse de marche ralentie.

  4. Diminution de la force musculaire.

  5. Sédentarité.

Fragile si 3 critères ou plus. A moyen terme, cela va amener la personne âgée à une situation polypathologique.

Pré-fragile si au moins 1 critère présent. Réversible notamment via la nutrition. A partir du moment où la personne âgée est épuisée, n’a plus de force et a perdu de la masse musculaire. Elle aura du mal à tenir debout ce qui va conduire à sa perte d’autonomie.

Dans le cadre d’une (pré) fragilité, il est important mettre en place rapidement un plan nutritionnel[4] et physique (activité adaptée) pour retarder la perte d’autonomie et par là l’institutionnalisation. Cela permet, entre autres, d’augmenter le nombre d’années de vie en bonne santé au domicile. Il est donc important de surveiller ces signes de fragilités pour repousser la perte d’autonomie.


Par rapport à la Sarcopénie, il s’agit de la perte de masse musculaire qui est fréquent chez l’ainé. Cette sarcopénie peut-être diminuer via l’alimentation. Notamment par une consommation de protéines suffisantes. Nous pouvons comparer la personne âgée à une vieille voiture : elle a besoin de plus d’essence, de plus d’huile,… et pour un rendement qui est moindre. La personne âgée va rentabiliser ses apports alimentaires approximativement à 70%. Ce qui justifie l’apport de plus de calories et de protéines chez la personne âgée. Par rapport aux protéines, on tourne à 1.2-1.5g/kg/j mais il ne faut pas oublier aussi d’avoir une activité physique adaptée[5].



Concernant, l’ostéoporose qui une conséquence de la ménopause, mais aussi d’une certaine sédentarité. Il est donc important de garder tout au long de sa vie du mouvement associé à une alimentation adaptée (apport de vitamine D et de calcium) pour prévenir l’apparition de cette ostéoporose.



Si l’on s’attarde sur le poids, l’augmentation du poids et bien souvent antérieure à l’état gériatrique (à éviter entre 50-70ans), parce que la personne âgée à tendance à perdre du poids car elle n’a pas les apports suffisant pour contrer le vieillissement. L’augmentation de poids (avant l’état gériatrique) est à éviter car cela va à terme invalidé la personne et lui faire perdre de l’autonomie. Cette perte d’autonomie va notamment favoriser la dénutrition.


Le vieillissement va également toucher toutes les fonctions de l’organismes : neurologique, locomoteur, la vision, mitochondriale, … Il ne faut pas attendre d’être âgées pour aller consulter. Dès que vous avez l’impression de développer une maladie, consulter pour éviter de perdre trop rapidement votre autonomie.


NSH : Qu’est-ce que la dénutrition de la personne âgée ? Est-ce fréquent ? Comment l’éviter ?


La dénutrition est très fréquente chez le sujet âgé pour toutes une série de raisons : moins d’appétit alors qu’il lui faut plus de calorie et de protéines, dégoût fréquent pour les produits carnés... La dénutrition est, par conséquent, protéino-calorique.


Comme je l’ai déjà évoqué précédemment, la personne âgée fonctionne comme une vieille chaudière ou une vielle voiture et a un mauvais rendement par rapport à ses apports (environ70% par rapport aux calories et protéines ingérées). Perdre du muscle, c’est perdre en autonomie. Ne plus parvenir à se mettre/tenir debout.


Il faut donc augmenter les apports en protéines recommandés à 1.2 à 1.5g/kg/jou mais cela est rendu difficile par la perte d’appétit et le dégoût pour les aliments carnés.


Il y a également des besoins accrus en Vitamine D, calcium mais aussi en antioxydants. La personne âgée est tributaire de cet apport en antioxydant suffisant puisque lorsque l’on vieilli, on va être plus sensible aux réactions oxydatives. Il faut donc favoriser la consommation de fruits et de légumes de colorés pour contrebalancer cette oxydation. De plus, la consommation de fruits et légumes va apporter un apport en fibres non négligeable pour lutter contre le vieillissement du tractus digestif.


Il faut également favoriser la consommation d’omega-3 qui ont un double rôle ; ils ont des propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires.


Concernant, l’hydratation : la personne âgée a un risque élevé d'être déshydratée. Il faut signaler une perte de la sensation de soif et à cause du vieillissement de sa fonction rénale va diminuer la capacité à concentrer ses urines. A cela s’ajoute la diminution de la masse hydrique corporelle puisque celle-ci est liée à la masse maigre.


Il faut aussi aborder la polymédication (si > 3 médicaments/jour mais souvent 8 médicaments /jour, pris avec un verre d’eau), qui est fréquente chez la personne âgée et qui est un facteur de risque de la dénutrition. Les effets secondaires de ces polymédications sont nombreux : perte de goût, xérostomie (diminution de la production de la salive), anorexie, nausées, vomissements, …


Nous retrouvons aussi fréquemment des troubles de la mastication et de déglutition qui vont engendre des apports alimentaires et hydriques diminués. Une étude a montré que plus de 30% des personnes qui souffrent de déglutition avouent sortir de table en ayant faim et/ou soif.





Enfin, il y a les problèmes de cognitions. Les personnes souffrant de désorientation sont à risque de dénutrition. : Par exemple, les patients souffrant de la maladie d’Alzheimer peuvent déambuler jusqu’à 30 km par jour. Ils vont donc rapidement s’émacier (= devenir très maigre).

Voici le tableau de la dénutrition chez la personne âgée.


NSH: Dans certaines situations, l’alimentation, pour être adaptée, doit changer de texture. Quelles sont ces situations ? Comment sont préparés ces repas ?


La personne âgée peut avoir des troubles de mastication. Il est à signaler que la population qui est actuellement institutionnalisé n’a pas eu recours à une hygiène et soins dentaires irréprochables. Il s’agit donc d’une population parfois édentée ou en mauvaise état (caries).

Pourtant, il faut 20 dents en bouche (sur les 28) pour garder une alimentation variée. Si vous avez moins de 20 dents en bouche, il faut modifier son alimentation : diminuer les alimentations crus comme les fruits et légumes crus, les céréales complètes, mais aussi une diminution des aliments difficiles à mastiquer notamment les viandes entières. Comme vous pouvez le constater, tout concours pour favoriser la dénutrition.




Les personnes âgées peuvent aussi souffrir de troubles de la déglutition qui nécessite un changement de texture.

On retrouve ces troubles de déglutitions chez :


Les patients atteints de troubles cognitives majeurs : maladie d’Alzheimer, maladie à corps de Lewis, Parkinson, etc, 90% de ces patients vont présenter des troubles de déglutition.

Les cas de AVC, où les troubles de déglutition peuvent-être partiellement réversible mais une personne dysphagique reste dysphagique.

Concernant la préparation de ces textures modifiées, cela dépend bien évidement de son lieu de vie :

  • A la maison : à l’aide d’un mixeur pour bébé.

  • En institution, on va travailler la présentation des assiettes pour rendre les préparations appétissantes.


Pour rappel, 1/3 des personnes dysphagiques avouent sortir de table en ayant faim ou soif, donc ce sont des personnes à fort risque de dénutrition.

Toutes les préparations en texture modifiée devraient être enrichies. (NSH : Enrichies en protéines et énergie. On peut ajouter des ingrédients comme de la crème, du beurre, de l’huile, du lait, du fromages etc ou ajouter des compléments alimentaires vendus en pharmacie)

Enfin, de plus en plus d’institution utilise la terminologie universelle : IDDSI[6] pour nommer les différentes textures (granulométrie) ce qui est un pas en avant pour la prise en charge uniformisée de la personne âgée.




NSH : Quels conseils nutritionnels, donneriez-vous à Mr et Mme tout le monde pour être en bonne santé le plus longtemps possible ?


J’ai tendance à dire qu’il faut revenir ou maintenir un poids de forme sans pour autant faire une fixation sur l’indice de masse corporelle (IMC) puisque chez la personne âgée, on tolère des valeurs d’IMC un peu plus élevées (27-28), qui auront un rôle protecteur.


Il faut aussi continuer à bouger, et notamment pratiquer la marche aussi longtemps que possible puisque c’est l’activité physique que l’on fera jusqu’à la fin de sa vie.


Si possible, éviter la polymédication puisqu’une alimentation adaptée peut dans beaucoup de pathologie réduire la médication. (NSH : cela ne veut pas dire qu’il faut de vous-même stopper vos traitements, discutez-en toujours à votre médecin)


Cependant, garder un œil sur votre santé car nous savons qu’en vieillissant, nous sommes confrontés à plusieurs pathologies notamment certains cancers (cancer du côlon pour les hommes et le cancer du sein pour les femmes), certaines maladies cardiovasculaires, il est donc primordial de garder contact avec son médecin.


En termes d’alimentation, il faut conserver le plus longtemps possibles une alimentation diversifiée avec comme base le régime méditerranéen sans le vin c’est-à-dire avec beaucoup de fruits et de légumes (si possible : bio, locaux, de saison), une consommation raisonnable de viande ainsi qu’une consommation plus élevée de crustacés et de petits poissons.


Enfin, il faut diminuer sa consommation d’aliments ultra-transformés et des boissons sucrées ou alcoolisées. (NSH : Vous pouvez consulter notre article sur les aliments ultra-transformés ainsi que notre interview du Dr. Anthony Fardet à ce sujet).


Pour finir, ne vous prenez pas trop la tête : vivez et profitez tout en continuant à bouger.




Sources:

[1] Alimentation et Alzheimer, s'adapter au quotidien (ehesp.fr) [2] Plan Wallon Nutrition, Santé et Bien-être des Aînés | Portail SANTE (wallonie.be) [3] Fried LP. J Gerontol Biol Sci Med 2001; 56: 146-56 [4] D’après Lebet et al, 2009 [5]Nutrition and Exercise in Sarcopenia Stephen Anton D, Curr Protein Pept Sci. 2018;19(7):649-667 [6] 1_IDDSI-Diagramme descr-FrFR_2018.01.22_

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