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Nutrition de la performance sportive : croyances, mythes et réalité, avec Serge Pieters.

Dernière mise à jour : 21 juin 2021


Introduction :

Bonjour à toutes et à tous et bienvenue sur NSH ! Aujourd’hui, nous sommes en compagnie de Mr Serge Pieters, président honoraire de l’Union professionnel des diététiciens de la langue Française. Il est également consultant en nutrition pour l’Agence Spatiale Européenne. Enfin, et c’est le sujet qui va nous intéresser aujourd’hui, il est expert en nutrition du sport et il accompagne certains sportifs belges de haut niveau dans le cadre de la préparation aux Jeux Olympiques !


NSH: Quel est le lien entre la nutrition et la performance ?

La nutrition est un des piliers qui va permettre d'être en forme notamment le jour de la compétition. Mais contrairement à ce que je vois de temps en temps dans certaines salles de fitness, « l’alimentation, c’est 70% de la performance ! », et que cette affiche soit placée juste au-dessus des compléments alimentaires, qui sont en vente pour les sportifs de force (dont le bodybuilder,…), je pense que c'est plus un message marketing que la réalité…


Figure 1: Le marketing est bien trop présent dans le monde du sport


Tout d’abord, il faut avoir de bons parents : si vous avez un bon capital génétique, vous aurez plus de chance d'être un sportif très performant ! Ensuite, il faudra s’entrainer de manière sérieuse et régulière. Il faudra également avoir accès à du matériel adapté ! A cela on peut ajouter la partie mentale/psychologique et, effectivement, l'alimentation est l’un de ces paramètres essentiels mais ce n'est pas le seul !

Ensuite, cela ne sert donc à rien de s'entraîner excessivement si vous ne mangez pas correctement. C’est bien l’assemblage de tous ces éléments qui va vous permettre d'être, d'une part, en forme pour les entraînements mais aussi, d’autres part, vous permettre de récupérer et de réparer les lésions musculaires dus à vos entraînements.

En effet, l’alimentation va fournir tous les micronutriments qui vont être impliqués dans les filières énergétiques de l'organisme et de ce fait, il faut fournir une alimentation qui sera suffisamment énergétique pour le jour de la compétition mais qui ne sera pas non plus trop lourde. Finalement, c'est un doux mélange de toute une série de savoir nutritionnel que l’on met au service du sportif.


Figure 2 : Les vitamines et leurs sources principales


NSH : « Entièrement d'accord avec vous et c'est bien d’insister sur le fait que ce slogan des 70% de nutrition et 30% d’entrainement », c'est une aberration ! Nous pensons donc également que c’est principalement du marketing. »


Il ne faut pas oublier justement que le sportif et j'ai moi-même été un sportif d’un certain niveau national, nous avons tous envie de croire que par une alimentation, par certains principes ou composés, nous serons meilleur que les autres.


Cependant, il faut être réaliste mais également vigilant car il ne faut pas tomber non plus dans tout ce marketing qui est assez agressif et qui vante des raccourcis rapides vers la performance sans réellement s'intéresser au reste. Combien de fois, je n’ai pas eu en consultation des sportifs qui me posent cette même question après avoir sorti 18 pots de micronutriments ! Voici un exemple de situations que j’ai rencontrées :


Un sportif m’a interpellé car il voulait faire le championnat du monde vétéran d’aviron. Celui-ci m’a dit : « Pour être performant, je dois prendre beaucoup de fer ». Il prenait des méga doses de fer parce qu'il s’est dit : grâce à ça je vais avoir plus de globules rouges. Est-ce que pour 2 km d'aviron, c’est nécessaire ? On peut se poser la question… À la suite de cela, il continua de la manière suivante : « Comme je prends des méga doses de fer, je dois prendre des méga doses d'antioxydants puisque le fer est pro-oxydant, comme je prends des méga doses de fer je vais également prendre du zinc parce qu'il va y avoir des complexes… » Finalement, il m’a sorti 18 produits différents…


Figure 3: Beaucoup de compléments alimentaires pour de faibles résultats...

En fin de compte, sa question était la suivante : « Qu'est-ce qu'il me manque réellement pour être encore meilleur lors de la compétition ? » J’ai eu l’occasion de voir son alimentation et la première chose que je lui dis c’est : « Je crois qu'on va tout arrêter et recommencer par les bases comme manger des fruits et des légumes et vous verrez que vous serez certainement en meilleure santé ! ».


NSH: Sur internet, les coachs sportifs ou les influenceurs préconisent souvent de manger 2g de protéine/kg de poids de corps pour maximiser l’hypertrophie musculaire …Est-ce réellement une quantité optimale ? Quels conseils nutritionnels pourriez-vous donner à un sportif de force ?

Premièrement, il faut savoir que la recommandation de protéines pour la population générale est de 0.83g de protéines par kilo de poids corporel (g.kg-1.j-1)[1]. Cependant, étant donné qu’au cours de l'entraînement, le sportif va fortement solliciter sa masse musculaire et créer des micros-lésions cela nécessite une adaptation du muscle à la charge d'entraînement, si je donne cet apport de 0.83 g.kg-1.j-1, le bilan azoté va être négatif ! Cela veut dire, que le sportif ne sera pas capable de synthétiser de la masse musculaire mais va plutôt avoir tendance à en perdre donc si j'ai envie d'avoir simplement un équilibre je sais que je dois fournir au moins 1,2-1,6 g de protéines/ kg-1.j-1 pour rester à l'équilibre[2].

Pour les sportifs de force, il faudra légèrement augmenter cette quantité de protéines puisque l’on vise l’hypertrophie musculaire. Cependant, j’insiste, il faut d’abord vous renseigner auprès d’un préparateur physique agréé pour avoir un programme d’entrainement adapté car sinon cela ne sert à rien de consommer énormément de protéines surtout si vous n’avez pas une sollicitation suffisante de votre masse musculaire. Dans ce cas-là, je peux augmenter les apports en protéines aux alentours d'1,4-1,8g de protéines/kg et dans certaines situations très particulières, cela peut monter à 2g/kg voire 2,5g/kg (NSH : très rare et inutile dans la plupart des cas). Bien qu’à partir de 2,5 g/kg, ces protéines ne vont plus servir à synthétiser de la masse musculaire mais vont plutôt avoir tendance à se transformer en graisses et en sucres ! Oui, vous allez prendre du poids mais surtout au niveau du ventre et ce n’est pas ce que les sportifs recherchent…

De plus, ce n’est pas parce que vous en consommez beaucoup plus que vous allez avoir encore plus d’améliorations. Nous savons maintenant, qu’à partir de 2,5g/kg le corps va avoir ses limites ! Cela risque éventuellement d'entraîner une légère fatigue notamment hépatique et rénale. Bien que, en l'état actuel des connaissances -sauf si éventuellement une problématique initiale-on ne constate pas de problèmes rénaux et hépatiques.


Néanmoins, il faut savoir que manger que des protéines c'est comme si je demande à un maçon de construire un mur solide : je lui mets 2x plus de briques que nécessaire mais pas un seul sac de mortier, que va-t-il me faire ? Un tas de briques et je ne serais pas satisfait donc il vaut mieux souvent réduire l'apport en protéines et y mettre d’autres choses.

Ce fameux mortier c'est quoi ? C'est notamment un apport plus élevé en glucides dont des féculents, des fruits et légumes. En parlant de fruits, l’année passée, une étude[3] très intéressante est sortie et montrait que la consommation de fruits colorés permettait justement d'augmenter la synthèse musculaire parce qu'en fait elle va apporter suffisamment de micronutriments tels que des vitamines, des minéraux mais également des polyphénols qui vont booster cette synthèse musculaire. Cela va permettre de construire une bonne base bien solide. Vous voyez bien, qu’il ne sert à rien d’uniquement apporter beaucoup de protéines.


Figure 4 : Complément alimentaire de protéines en poudre C'est bien souvent le message que je tente de faire passer quand je discute avec des sportifs de force qui dépassent allègrement les 3g/kg de protéines. Je leur propose spontanément de diminuer leurs apports ! Bien entendu, au départ, les sportifs me font part de leurs craintes : « Je ne peux pas, tout le monde fait ça, tout le monde me dit qu'il faut que je prenne des grandes doses de protéines. ».


Cependant, je peux vous assurer que si vous réduisez vos apports à 2 g/kg avec en parallèle une alimentation beaucoup plus adaptée en glucides et lipides et toute une série de micronutriments, vous serez étonnés du résultat !


Certes, l’apport en protéines totales sur la journée est important mais également les moments où nous allons les consommer[4]. Souvent quand je parle de moment, les sportifs me répondent après l’effort. En effet, la notion de fenêtre métabolique existe bel et bien quoiqu’elle soit de plus en plus nuancée car finalement c'est l'apport énergétique tout au long de la journée qui est intéressante : du matin au soir et à chaque repas. Lorsque je vois certains sportifs qui ont tendance à faire le jeûne intermittent et à sauter le petit-déjeuner-ce qui signifie des plages horaires de parfois plus de 16h à jeun- ils n’auront pas cette dose de protéines.


Figure 5: L'importance de la matrice alimentaire est ici représentée par le Skyr. Il faut donc faire attention à fournir des protéines à différents moments de la journée mais aussi à chaque repas. La collation la plus importante semble être celle du soir notamment celle une heure avant d'aller dormir et dans ce cas-là vous pouvez par exemple consommer un produit laitier tel que du skyr (NSH : spécialité Islandaise entre le yaourt et le fromage blanc). Cela va permettre d'avoir une synthèse musculaire très efficace pendant la nuit où justement l'hormone de croissance est sécrétée et sera active[5].


Figure 6: Notre interview du Dr. Fardet sur les aliments ultra-transformés. De cette manière, il y aura une synthèse musculaire efficace ! Je parle de skyr et non pas de Whey ou de caséine car effectivement - on sait que la Whey est une protéine rapide et la caséine est une protéine lente - depuis au moins 5 bonnes années, on s'intéresse beaucoup à ce qu’on appelle la « matrice alimentaire »[6] (NSH : N’hésitez pas à consulter notre podcast avec le chercheur Anthony Fardet sur les aliments ultra-transformés où l’on aborde ce concept de « matrice alimentaire »). Cette matrice alimentaire démontre finalement, que consommer un aliment est plus efficace que si je consomme des compléments alimentaires comme la Whey ou la caséine[7].

Une des erreurs que je rencontre souvent chez les sportifs, c'est de surcharger les protéines après l’effort simplement parce que pour des raisons de marketing, certaines sociétés proposent par exemple des apports de 50-60 g de protéines juste après l'effort. Or, nous savons très bien que pour cette industrie, plus nous en consommons plus c’est intéressant pour elle mais est-ce que cela représente la réalité scientifique ?


Les scientifiques[8] estiment que 15 à 25g d’acide aminés ou de protéines de hautes valeurs biologiques juste après l'effort est intéressant. Néanmoins une étude qui est sortie, il y a une bonne dizaine d'années, est venue un petit peu mettre de l'ordre là-dedans et a montré qu’avec 40g cela pouvait parfois être plus intéressant alors d'où provient cette différence ?

En fait, 15-25g de protéines fonctionnent très bien pour tous les efforts qu'on va dire mono- articulaire comme le curl biceps ou d’autres exercices où je vais travailler certains segments seulement de mon corps.


En revanche, pour les haltérophiles ou les « crossfiters » qui font du poly-articulaires telles que du développé couché, des arracher d’épaules, du soulevé de terre etc., à ce moment-là, vous pouvez consommer jusqu’à 40g de protéines parce que les exercices poly-articulaires vont solliciter beaucoup plus de chaînes musculaires[9].


NSH: Pour suivre la question précédente, quels conseils nutritionnels donneriez-vous à un sportif d’endurance ?

Il y a beaucoup de conseils qui me viennent en tête. Tout d’abord, je pense que 80% de la performance du sportif d’endurance se trouve dans son alimentation au quotidien (NSH : par rapport à la nutrition pas aux autres paramètres). Cela consiste donc à respecter la pyramide alimentaire et cela va vous permettre justement d'arriver à fournir suffisamment de protéines mais également d'énergie pour pouvoir maintenir votre volume d'entraînement.



Figure 7: Pyramide alimentaire belge.


Ensuite, pour la compétition, le sportif d’endurance doit bien attendu augmenter ses réserves en glycogène ! Plus il aura ses réserves en glycogène élevées (aux niveaux hépatique et musculaire), plus il aura cette capacité de limiter l'hypoglycémie durant l’effort et maintenir une certaine intensité notamment à chaque fois qu’il va vouloir accélérer, dépasser un concurrent ou encore monter une côte. Le problème est que les réserves en glycogène, même chez un sportif de haut-niveau, ne peuvent tenir qu'à peu près 1h30 donc pour un marathon par exemple qui se fait en au moins 2h00, cela ne sera pas suffisant pour tenir. Dans ces cas-là, le sportif doit être capable de solliciter ses réserves de graisses mais tout en économisant ses réserves en glycogène ! Comment y parvenir ?


Les dernières recherches montrent qu’il faut essayer d’alterner des périodes où le sportif va faire des régimes de surcompensation glucidique, c'est à dire augmenter ses réserves en glycogène, pour voir comment il les tolère et des périodes où il va diminuer sa consommation de glucides et avoir des réserves en glycogène beaucoup plus faibles. Il y a notamment tous ces entrainements comme du « Train low, sleep low » c'est-à-dire que l'on va s’entraîner avec des faibles taux de glycogène pour justement encourager l'organisme à brûler plus de graisses[10].

En sachant que les graisses sont un carburant similaire à un vieux moteur diesel : moins performant et moins puissant mais qui va nous permettre de rouler plus longtemps puisque nous sommes tous capables de courir à peu près 120h sans nous arrêter grâce à cette réserve.

Cependant, le sportif, qui souhaite faire un marathon ou éventuellement des courses d'ultra-endurance, veut courir très longtemps mais aussi très vite et donc dans ce cadre-là il va falloir justement l'habituer à ce qu'il puisse utiliser ses réserves de graisses de manière plus efficace avec une augmentation de l'intensité et de la vitesse. Pendant toutes ces phases d'entraînement que sont la PPG (préparation physique générale), la préparation physique spécifique et la préparation à la compétition, nous allons alterner ces phases de « train low, sleep low » et de surcharge en glycogène[11].


Si vous avez bien fait cela pendant toute la période hivernale et notamment de préparation, à ce moment-là au moment de la compétition vous allez introduire une alimentation qui sera beaucoup plus riche en glucides et notamment les 3 derniers jours avant la compétition. Pour quelqu’un qui va courir quand même plus de 30 km (pour moins de 30km cela n’en vaut pas la peine), nous allons faire ces fameux régimes de surcompensation glucidique.


Auparavant, on recommandait, durant les 3 premiers jours, de ne pas avoir d'apport en glucides pour créer un vide en glycogène et ensuite on surchargeait l’alimentation. Cela était peut-être efficace mais on ne le recommande plus car cela cause de nombreuses problématiques de santé ; des diarrhées des maux de ventres, des lactémies augmentées etc, donc ce n’était pas très intéressant !


Maintenant, on propose en début de semaine de manger de manière équilibrée mais surtout idéalement l’avant-veille de la compétition, nous allons mettre une alimentation qui sera très riche en glucides : du pain, des pâtes, des céréales et des pommes de terre pour augmenter nos réserves en glycogène. Nous allons également proposer une alimentation qui soit facile à digérer et qui ne soit pas trop lourde, qui ne va pas donner trop de fibres dans le tube digestif pour que le jour de la compétition, le sportif soit performant.[12]


Puis l’autre chose qu’il faut absolument envisager c'est notamment cette fameuse “pasta party” qui est une véritable institution dans le monde du sport d'endurance mais on constate souvent des dérives ! Combien de fois, je n'ai pas déjà dû dire à des sportifs : « Ne prenez pas la pasta party proposée » parce que lorsque je vois que ce sont des lasagnes qui baignent dans la crème et dans l'huile, ce n'est peut-être pas le genre de choses dont leur corps à besoin.

De plus, combien de fois je n'ai pas vu que ces fameuses “pasta party” se faisaient en plein soleil ou les plats restent plusieurs heures au soleil… Malheureusement les sportifs vont courir très vite mais pas sur la ligne d'arrivée…[13]


Ensuite, il y a la problématique du petit-déjeuner : le sportif est soit anxieux, soit il n'a pas le temps, soit il se dit qu’il doit plutôt aller s'échauffer, bien souvent il sous-estime l'importance du petit-déjeuner. Or le petit-déjeuner doit se prendre idéalement 3 heures avant la compétition et permettre de surcharger d'une part nos réserves en glycogène (à ce moment-là plutôt du foie pour éviter l'hypoglycémie) et d’autres part être suffisamment digeste pour éviter d’avoir un inconfort digestif à l’effort. Un exemple de petit déjeuner non adapté le jour d’une compétition serait une grosse omelette avec des lardons : c’est très énergétique mais pas assez digeste. Cela peut causer des inconforts durant la course comme des relents. Un bon petit-déjeuner pré-compétition serait les flocons d'avoine avec un jus végétal, du yaourt ou du lait pauvre en lactose. A cela, vous pouvez manger de la compote et du pain avec du jambon ou éventuellement du fromage. Pourquoi du jambon ou du fromage sur sa tartine ? Parce que l’on doit fournir des protéines ! C'est important même si on est sportif d'endurance.


Figure 8: Ne pas sous-estimer l'importance de l’hydratation ! Bien entendu, il est important d’être bien hydraté avant la compétition (même hors compétition)[14]. Une manière simple de le savoir et de regarder la couleur de ses urines. Si elles sont claires, plus claires qu’une pils ou un jus de pomme, vous êtes bien hydraté et vous aurez toutes vos chances à la compétition. En revanche, si elles ressemblent à certaines trappistes malheureusement c'est trop tard ! Il faut bien vous hydratez, avant, pendant et après l'effort.


Cela à un intérêt même avant la ligne de départ. On peut aussi remarquer que certains utilisent des gels juste avant la ligne de départ : c'est ce qu’on appelle le « rinçage de bouche ». Il y a toute une technique c'est-à-dire qu'on va mettre le gel ou une boisson très sucrée en bouche et on va le gargouiller pendant 10-20 secondes.


Ce « rinçage » va permettre d'une part de stimuler le centre de la récompense au niveau cérébral mais également à produire un petit boost d'adrénaline au début de la compétition. Cela va aussi stimuler le début de la digestion pour éviter d'avoir des troubles gastriques pendant l’effort.


Si vous respectez les grands principes que j’ai énoncés, vous êtes tout à fait opérationnel pour réaliser une belle compétition.


NSH: Est-ce que les compléments alimentaires (whey, isolats de protéine, multivitaminés, créatine, etc) sont essentiels pour un sportif ou est-ce juste du business ?

Lorsque j'ai un sportif qui vient me poser la question de savoir s'il va améliorer ses performances en prenant de la créatine, whey, carnitine etc. et toute une série d’autres compléments alimentaires - sur certains sites vous avez un lexique presque sans fin de toute une série de composés proposés aux sportifs - je leur pose la question suivante : Est-ce que vous voulez augmenter de 80% votre performance « alimentaire » ou de 1% ? Le 1% ce sont tous ces compléments !


Tous ces compléments alimentaires ne sont utiles que si on est déjà à la pointe de la performance ![15] Si j'ai une excellente alimentation et contrairement ce que l'on pense les sportifs, même de haut niveau, ne s'alimentent pas toujours très bien : ils n'ont pas une meilleure alimentation que monsieur et madame tout le monde parce que simplement ils n’ont pas eu d'éducation nutritionnelle. Ils n'ont pas compris le pourquoi, le comment de chaque chose et finalement mange tout aussi mal. Je ne citerai pas ce que mangent certains joueurs de foot qui par la suite prennent du poids et se blessent... Il faut donc une bonne éducation alimentaire dès le plus jeune âge.

Finalement, si l’on se base notamment sur le comité olympique international et surtout sur les sociétés savantes qui s'intéressent réellement à l'alimentation du sportif sur des bases scientifiques et non pas sur des croyances ou sur du marketing, il n’y a que 5 composés qui semblent efficaces[16] :


  1. La créatine : Elle permet effectivement d'avoir une augmentation de la synthèse musculaire et d’améliorer légèrement la récupération. Cependant, il faut préciser que ce n'est pas intéressant chez tous les sportifs : uniquement pour les sportifs explosifs, les sportifs qui veulent faire de la masse musculaire mais certainement pas chez un sportif d'endurance. D'autre part, nous savons que cela va avoir un impact limité, c'est-à-dire qu'après six mois généralement l’effet diminue.

  2. Le bicarbonate : Chez les sportifs qui vont faire beaucoup de séries à répétition à très haute intensité, on peut penser notamment au bicarbonate qui va augmenter le pH ce qui va diminuer les risques d’acidose (= trop d’acidité dans l’organisme) lors des séries. Cependant, il en faut 300mg/kg et cela cause souvent des troubles gastriques et digestifs…

  3. La Β-Alanine : Vous pouvez également, jouer sur un tampon intracellulaire (NSH : dans la cellule) ; la carnosine. Cela ne fonctionne pas si je la mange directement. En revanche, je peux manger un de ses précurseurs : la β-Alanine qui participe à la synthèse de la carnosine. Cela peut effectivement, chez certains sportifs, aboutir à une augmentation du nombre de séries à très haute intensité mais pas chez tout le monde.

  4. La caféine : Elle augmenterait les performances mais encore une fois, pas chez tout le monde. On estime qu'il y a 3 types de sportifs : les sportifs qui vont voir effectivement les effets positifs avec une amélioration de la performance se traduisant par un boost psychologie et physique. Les sportifs qui vont plutôt avoir tous les effets négatifs : tachycardie (accélération de rythme cardiaque), des maux de ventre, des maux de tête, voire même des troubles digestifs…Ils seront donc moins performants. Enfin, il y a ceux qui n’ont aucun effet avec la caféine. Au début, on pensait que c'était lié notamment à l'alimentation et que quelqu’un qui buvait beaucoup de café n’avait finalement pas d'intérêt à en prendre mais cela serait dû à un caractère génétique personnel donc finalement à tester !

  5. Les nitrites : Ces composés permettent effectivement d'avoir une vasodilatation périphérique donc de permettre une meilleure oxygénation des capillaires mais nous constatons que cela fonctionne très bien chez les sportifs amateurs mais pas chez les sportifs d'endurance qui ont une meilleure efficacité grâce à l'entraînement !


A cela, bien sûr il y a les glucides et avoir une bonne hydratation mais c'est à peu près tout. Contrairement à ce que tous les sportifs pensent, la liste est très pauvre ! La plupart du temps, les autres compléments ont peu d’intérêt. Prenons l’exemple de la carnitine, on sait depuis les années 80 que la carnitine ne sert à rien mais dans tous les produits on en trouve pourquoi ? Parce qu’elle a gardé une belle aura… Pour que la carnitine soit intéressante, il faudrait peut-être la prendre pendant 6 mois à très haute dose avec si possible une grande charge en glucides voire avec des injections d’insuline-ce qui est formellement déconseillé et interdit-pour effectivement augmenter la quantité de carnitine donc prudence.


On sait aussi que beaucoup de sportifs se gavent notamment d’antioxydants. Or les antioxydants lorsqu’ils sont consommés à haute dose deviennent pro-oxydants et donc cela va amener à terme, des effets secondaires qui vont diminuer la performance sportive. On peut citer le cas de la vitamine C qui a haute dose devient pro-oxydant : si vous en prenez beaucoup une heure avant l'effort, elle va diminuer la fonction des mitochondries (NSH : compartiment de la cellule qui produit de l'énergie) et donc vous serez moins performant.[17]


Pour conclure, ne jouez pas aux apprentis sorciers et renseignez-vous auprès d'un professionnel de la santé formé en nutrition du sport avant de tester un peu tout et n'importe quoi ! (Cfr: le Groupe des Diététiciens du Sport - https://lesdieteticiens.be/groupements-gdsport/)


NSH : Par rapport à la caféine, il faut signaler que certaines compétitions le considèrent comme un produit dopant.

La caféine était avant un produit dopant et était totalement interdit. Le taux était mesuré directement dans les urines et à partir d'une certaine dose elle était considérée comme un produit dopant.


Actuellement, elle est sur la liste des substances testées et analysées. Cependant, nous avons constaté que finalement il fallait entre 3 et 6mg de caféine/kg pour avoir les effets bénéfiques de la caféine. Cela est bien au-dessus des taux que l’on proposait avant pour être positif au contrôle.

Dans ce cadre-là, la plupart du temps on va dire qu’au-dessus de 300 mg de caféine vous avez d'office tous les effets secondaires qui ne seront absolument pas intéressants chez le sportif.


NSH: Une dernière question par rapport aux dérives que l’on rencontre chez certains sportifs avec les régimes et notamment le régime paléolithique, la diète cétogène, « low carb », le jeûne intermittent ? Avez-vous un avis à ce sujet ?

Tout d’abord, il y a effectivement énormément de régimes qui sont proposés par et pour les sportifs dont parfois des sportifs d'un certain niveau qui parce qu'ils ont expérimenté une méthode sur eux-mêmes veulent diffuser et imposer cette expérience à tout le monde. On peut par exemple citer Djokovic qui fait la promotion d’un régime sans gluten et dit à qui veut l’entendre que tout le monde devrait faire la même chose. Pourtant, il y a également tout un aspect marketing derrière qui est très important.


Figure 9 La diet paléo et ses dérives... Concernant, le régime paléolithique étant donné que je suis chargé de cours d’histoire de l'alimentation (à la Haute Ecole Vinci) je m'intéresse beaucoup à ce régime paléolithique.[18]


Il est important de savoir que le régime paléolithique actuellement est totalement impossible parce que nous n'avons plus du tous les mêmes ressources à disposition. Qui peut me trouver encore des phacochères et des sangliers sauvages, … pour pouvoir s'alimenter ? Ensuite, nous étions coprophages c'est-à-dire que cela nous arrivait de consommer nos propres selles… Aussi, nous étions parfois cannibales et je n'ai jamais lu dans l’un de ces livres qu’il faut couper le doigt de quelqu'un pour le manger… Enfin, nous étions surtout des charognards, c’est-à-dire que l’on consommait plutôt des animaux morts que l’on retrouvait sur notre chemin.


Lorsque l’on regarde les recettes dans ces livres, il parle notamment de poulet mais le poulet est arrivé il y a seulement 6000 ans en chine donc il n’y avait pas de poulet à l'époque et toutes les recettes que je vois sont à base de poulet… Néanmoins, je ne suis pas entièrement contre certains principes du régime paléolithique. En tant que cuisinier (gastronomique), j'insiste beaucoup auprès des sportifs sur l’intérêt de cuisiner. Je leur propose des ateliers culinaires pour qu’ils puissent cuisiner avec des aliments de base. Par exemple, lorsque je réalise ma lasagne maison, je sais qu'elle sera d'office plus intéressante que n'importe quelle lasagne industrielle puisque j'y aurais mis du goût, du plaisir mais surtout une bonne dose d’éléments nutritifs (vitamines, minéraux, ...).


Figure 10: L’un des fléaux de notre monde : notre alimentation "moderne". L'autre élément est qu'il faut essayer de limiter les travers de cette alimentation moderne qui est hyper sucrée, grasse et salée et qui finalement est pauvre en toute une série de micronutriments...


Dans ce sens-là, le régime paléolithique est intéressant. Cependant, dans le régime paléolithique, ils suppriment souvent les féculents or les féculents sont quand même la base essentielle de l’alimentation chez un sportif... A un certain moment, cela va faire fonctionner le corps à l'envers et ce n'est pas spécialement à bon escient ! L’organisme va par exemple utiliser ses protéines à des fins énergétiques et plus à des fins de synthèse. Lorsque l’on a besoin d'avoir un équilibre nutritionnel, on ne supprime jamais rien !


Figure 11: La diet cétogène, vraiment utile ? Par rapport au régime cétogène, on a constaté que dans les sports, surtout d’ultra endurance, il est intéressant justement d'être capable de brûler plus de graisses et quand je brûle plus de graisses je peux courir effectivement plus longtemps tout en économisant mes réserves en glycogène.


Néanmoins, nous savons que la performance s'obtient principalement grâce aux glucides. Le fait de courir vite, c'est grâce aux glucides et non pas grâce aux graisses, donc si quelqu’un veut courir rapidement, il aura d’office besoin d'avoir une alimentation riche en glucides. De ce fait, ce n’est pas le régime cétogène qui est intéressant mais la production des corps cétoniques. Et c'est pour cela que certains cyclistes utilisent ces corps cétoniques. Cependant, cela coûte très cher (entre 1000 à 2000€ le litre) et même s'ils ont une certaine efficacité, il faut de toute manière un régime suffisamment riche en glucides parce qu'autrement cela ne mènera nulle part.


Vous m'avez également parlé du jeûne intermittent qui est parfois intéressant au début pour booster la motivation du sportif et effectivement parfois on constate une légère amélioration. Le sportif peut brûler un peu plus de graisse mais finalement ces régimes : cétogène, “low carb” etc ne vont pas permettre aux sportifs d’atteindre leur quantité totale de glucides. De plus, un sportif qui va réaliser un régime “low carb” le matin va finalement avoir nettement moins d'intensité lors des entraînements de l'après-midi et même le soir et donc ça va avoir un impact[19],[20].

Finalement, il y a 3 régimes qui ressortent dans la littérature scientifique[21] et de manière empirique


  1. Le régime méditerranéen : C'est le régime qui se basent sur le plus d'études scientifiques et qui montre une efficacité que ce soit chez monsieur ou madame tout le monde mais aussi chez le sportif (de force, d'endurance, ...). Ce régime intègre largement la pyramide alimentaire que nous connaissons.

  2. Le régime nordique : il s’inspire également de la pyramide alimentaire mais adapté avec des produits du nord.

  3. Le flexitarisme : ce mode alimentaire se base principalement sur le végétarisme. Cependant, dans ce régime, vous pouvez-vous permettre de manger de temps en temps un bon morceau de viande (de qualité, issus d’un élevage respectueux). Ce mode alimentaire est très bon pour la santé de manière générale, la planète et pour les sportifs.



Figure 12 : Le régime méditerranéen.

NSH : « C’est une belle conclusion ! Nous vous remercions pour votre intervention ! »


Compléments d’informations :


Notre interview du Dr. Fardet sur les aliments ultra-transformés : https://www.youtube.com/watch?v=z1ppZ7CDTD0


Diététiciens-nutritionnistes spécialisés dans l’alimentation des sportifs: https://lesdieteticiens.be/groupements-gdsport/


Bibliographie:

[1] Conseil Supérieur de la Santé. Recommandations nutritionnelles pour la Belgique - Septembre 2016. CSS n° 9285. 197 pages. [2] Oliver C. Witard, Ina Garthe and Stuart M. Phillips. Dietary Protein for Training Adaptation and Body Composition Manipulation in Track and Field Athletes. In International Journal of Sport Nutrition and Exercise Metabolism Vol 29: Issue 2: 165–174 DOI: https://doi.org/10.1123/ijsnem.2018-0267 [3] Doma K, Gahreman D, Connor J. Fruit supplementation reduces indices of exercise-induced muscle damage: a systematic review and meta-analysis. Eur J Sport Sci. 2020 Jul 15:1-18. doi: 10.1080/17461391.2020.1775895. Epub ahead of print. PMID: 32460679. [4] Yasuda J, Tomita T, Arimitsu T, Fujita S. Evenly Distributed Protein Intake over 3 Meals Augments Resistance Exercise-Induced Muscle Hypertrophy in Healthy Young Men. J Nutr. 2020 Jul 1;150(7):1845-1851. doi: 10.1093/jn/nxaa101. PMID: 32321161; PMCID: PMC7330467. 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