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  • arth1996

La place du diététicien dans les soins de santé par Mr. Garin, Vice-président de l'UPDLF


Mr Garin est le vice-président de l’Union Professionnelle des Diététiciens de la Langue Française de Belgique (UPDLF) et fondateur du groupe de travail sur « l’écologie alimentaire » (GDEA). Après une carrière riche dans le secteur pharmaceutique, il a tenu un magasin bio (« Vert De Terre ») à Gembloux. Il s’est également spécialisé dans la nutrition du sport à l’université Paris Descartes ce qui lui permet de faire des consultations diététiques avec un large public. Enfin, Mr Garin est un conférencier de talent et effectue à la demande des missions de consultance.


Qu’est-ce qu’un diététicien et quel est son rôle dans les soins de santé ?

Ce sont deux excellentes questions et je vais commencer par m’exprimer sur ce qu’est un diététicien. Je conçois le diététicien comme un praticien, qui permet de traduire les besoins en nutriments, qui est capable d’établir un diagnostic mais aussi de proposer le traitement directement dans l’assiette. En soi, c’est une personne qui exerce un métier qui peut sembler simple. Pourtant, un diététicien suit un cursus scientifique mais ce qui m’intéresse plutôt est : « qu’est-ce que la diététique, la science de la nutrition ou la compréhension de notre comportement alimentaire ? ». Pour ma part, je trouve cela plus intéressant et pour être plus précis, c’est même plus motivant car ça nécessite de le faire avec passion. La diététique, je la conçois principalement comme un ensemble de connaissances humaines en perpétuel mouvement mais qui interprété scientifiquement et sérieusement avec un travail d’équipe est susceptible d’éveiller beaucoup de passion. Ce terme « passion », est essentiel parce que c’est ce qui fait pour moi la différence entre un diététicien et un bon diététicien. Cette pratique a, en plus, une finalité humaine.


Le diététicien a évidemment un rôle à jouer et ça c’est pour répondre à la seconde partie de la question qui est plutôt : « Quel est le rôle de la diététique dans les soins de santé ? ». Ce sont des soins qui sont actuellement complètement sous-estimés -nous aurons l’occasion d’en reparler ultérieurement- car pas (re)connus, même pas souvent remboursés à auteur de la rentabilité de cette science. Pour le moment, son rôle est trop limité, voir même absent des grandes décisions de l’évolution pour notre société. Pour vous donner un exemple concret, je n’ai pas vu beaucoup de diététicien ou de spécialiste en nutrition au Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (GIEC). Pourtant, à mon avis, c’est la science de l’alimentation qui est le levier le plus important pour garder une planète saine, pour avoir une population en bonne santé et même pour avoir une économie florissante. Nous avons déjà des données économiques qui montrent bien qu’une population en bonne santé sera une population économiquement florissante et intéressante pour développer des marchés qui dans l’avenir s’orienteront sur l’environnement. Cette science est en relation avec les piliers du développement durable et donc l’humain. Pour parler de l’aspect préventif, il y a l’éducation nutritionnelle mais nous pourrons y revenir ultérieurement.


Quelles sont les différences entre un « nutritionniste » et un « diététicien » notamment en Belgique ?

C’est une question qui est complexe et qui va faire couler beaucoup d’encre. Au-delà de la sémantique, il y a beaucoup de flou dans la reconnaissance des métiers de la nutrition. C’est certainement ce qui est à l’origine de la confusion, parfois mise à profit par des personnes peu scrupuleuses qui s’auto-proclament « naturopathe », « nutritionniste », « nutrithérapeute », « coach ou conseiller en nutrition », souvent grâce à de brèves formations en nutrition. Cette sémantique nous amène à une grande complexité car tant que nous n’aurons pas figé correctement une définition exacte de ce qu’est un nutritionniste, un médecin nutritionniste, un diététicien, diététicien-nutritionniste ou un diététicien spécialisé en gériatrie, en sport, ... tant qu’il y aura un flou et que nous n’aurons pas cadenassé cette structure au niveau académique nous resterons sur cette position peu claire.


Maintenant, entre nous, je comprends très bien la motivation de ces personnes. Moi-même étant passionné par le métier de professionnel de la nutrition je comprends que beaucoup peuvent-être fascinés par cette science. Beaucoup d’entre eux sont heureux de rentrer dans un cursus comme s’ils étaient acceptés dans « l’antre de la connaissance de la nutrition ». Aujourd’hui, si on ne fait pas son bachelier en diététique on ne peut pas le faire en cours du soir. De ce fait, certains se rabattent vers des formations de 10 week-ends, 5 week-ends, 1 week-end ou par correspondance et ont le sentiment d’appartenir à quelque chose. Le problème c’est qu’ils sont assez convaincus par leur école et malheureusement, cette sémantique ne nous permet pas du tout d’avancer et amène la confusion. Pour donner un exemple concret, pour être « nutrithérapeute », il faut seulement entre 8 à15 week-ends de formation… Pensez-vous vraiment que vous pourriez devenir médecin, infirmier, kinésithérapeute en 10 à 15 week-ends de formation ? Restons sérieux, la réponse est : « non ».


On peut également tomber sur des termes comme « nutrithérapeute », « naturopathe » ainsique « coach ou consultant en alimentation », quelle légitimité ont-ils ?

Ce qui est clair, c’est qu’au sein de la législation, il y a encore un flou. En termes de motivation personnelle, je peux très bien comprendre que les gens ont envie d’avoir un titre. Ça fait toujours bien de dire : « Je suis nutri… », « Je suis thérapeute… » ou « Je suis conseiller en … ». S’ils sont fiers de leur titre, tant mieux pour eux mais en même temps les écoles qui pratiquent ce genre de formation acceptent parfois des candidats qui ont un faible bagage scientifique. Lorsque l’on a un faible bagage pour aborder et appréhender la biochimie, la physiologie, la physiopathologie, je me pose des questions quant-à la capacité à développer un esprit critique. En fait, certains professionnels de santé souhaitent aborder ce sujet et c’est tout à fait à leur honneur. Ils sont désireux de parfaire leur connaissance en nutrition. C’est super mais, quelque part, même si ça les amène à être convaincus de l’importance de la nutrition pour les soins de santé, ces formations de courte durée ne leur confèrent ni les acquis, ni les compétences, ni les titres reconnus, ni même les agréments nécessaires. En effet, le diététicien doit avoir un agrément mais également un numéro de visa pour pouvoir pratiquer en tant que professionnel de la santé.

Ce qui est plus interpellant, c’est que les recherches sur la nutrithérapie, qui est la science des compléments alimentaires, ne démontrent en rien son utilité. Je pense que cela peut être complémentaire mais certainement pas une science unique et exclusive qui permet de soigner une personne. Là je suis très critique à ce sujet. Comme exprimé par d’autres spécialistes en nutrition, il me semble peu probable que des chercheurs qui sont motivés, consciencieux, scrupuleux, tentent de cacher des bénéfices de la nutrithérapie sans publier leurs résultats dans des revues scientifiques reconnues. Là, j’ai un doute concernant cette formation. Je pense qu’elle permet une complémentarité dans la compréhension théorique ce qui est un élément intéressant mais rien de plus.


Maintenant, nous avons en Belgique, une prévalence de l’obésité qui avoisine les 20% et je pense qu’on va vite les dépasser surtout après cette pandémie COVID. Il y a vraiment une discordance alimentaire qui, au travers des fausses informations, font croire que certains ont la connaissance de la science de la nutrition et qu’ils peuvent aider ces personnes (en surpoids, diabétiques, …). S’ils sont fiers d’arborer ce titre tant mieux. S’ils souhaitent se former à la nutrition, c’est formidable mais si c’est pour prendre en charge des patients je trouve cela totalement inacceptable que des personnes qui suivent entre 5 à 15 week-ends de formation se nomment professionnels ou thérapeutes de la nutrition et s’abrogent finalement, en toute impunité, le droit de prodiguer des conseils nutritionnels. Ça pour moi c’est un extrême inacceptable !


Avec l’apparition du COVID-19, beaucoup de diététiciens ont dû se confiner. Pourtant la nutrition est un facteur de prévention et de soin important… Avez-vous l’impression que les diététiciens ont été les grands oubliés de cette pandémie ?


Je ne sais pas si nous avons été les grands oubliés mais ce qui est sûr, c’est que nous avons fait partie des oubliés. Je pense effectivement, que nous ne sommes pas les seuls à avoir été oubliés et de nombreuses professions de la santé ont été négligées ou peut-être mal informées. Personnellement, je pense que la première ligne a été mal gérée. Au niveau gouvernemental heureusement, je pense qu’ils ont des professionnels de la santé qui sont extrêmement motivés. Maintenant, au niveau nutritionnel et diététique c’est clair que nous sommes passés à côté de nos compétences pour éviter le risque de malnutrition notamment chez les personnes âgées qui est connu pour être un facteur dominant dans les maisons de repos et les maisons de soins. D’autant plus dans le cadre d’une pandémie comme celle du COVID. Le virus rend les personnes âgées vulnérable à la malnutrition. C’était effectivement un point sur lequel nous aurions pu agir et j’espère que nous pourrons agir parce que parler au passé c’est bien, mais moi ce qui m’intéresse c’est de se dire aujourd’hui, demain qu’est-ce que nous pouvons faire. Faisons-en sorte d’apporter nos connaissances pour aider les personnes et surtout les personnes âgées à passer ce cap. De plus, dans cette crise sanitaire, la prévention de l’obésité a été complétement sous-estimée. Cela a d’ailleurs été confirmé que l’obésité est un facteur de comorbidité à ce virus. Lutter contre la prévalence de l’obésité ou la réduction des kilos liée au confinement aurait certainement été une action intelligente de la part d’un gouvernement, d’un ministre. Maintenant, ils ne sont certainement pas toujours bien orientés. C’est pourquoi je pense que la diététique doit se retrouver au sein des commissions scientifiques, politiques pour influencer sainement la santé et aller dans la bonne direction.


Actuellement, Il n’y a aucun remboursement systématique de la part de l’INAMI (Institut National d'Assurance Maladie-Invalidité) des conseils diététiques dispensés par les diététiciens. C’est extrêmement rare des remboursements de l’INAMI pour les diététiciens. Pourtant, lorsque l’on sait qu’une perte de poids de 5 à 10 % est associé à l’amélioration du mode de vie, nous pourrions simplement avec un simple remboursement améliorer la qualité de vie des personnes, COVID ou non, et d’aider cette population en surpoids et obèse à mieux gérer leur qualité de vie mais également pour éviter, si seconde vague il y a, que ces personnes décèdent simplement parce que nous n’avons pas cru en cette prévention de l’obésité.

Vous savez, nous avons un métier extraordinaire qui a démontré et qui démontre tous les jours que les interventions diététiques ont un impact significatif sur l’état de santé des personnes que ce soit en préventif ou curatif.


Le message est donc le suivant : oui nous avons été confinés, oui il y a eu des erreurs au niveau gouvernemental, dans notre secteur aussi mais l’important aujourd’hui c’est d’agir. Pour finir avec cette question, j’aimerais revenir sur la personne âgée. Je pense que la malnutrition sur la personne âgée est un facteur déterminant, malheureusement, dans le pourcentage de décès dans cette population.


NSH : « nous sommes tout à fait d’accord avec vous et nous aimerions ajouter que le diabète et d’autres maladies non transmissibles jouent également un rôle important. »


Le métier de diététicien semble être dans un tournant majeur. Comment expliquez-vous que ce métier soit aussi peu reconnu du grand public ?

C’est une question que je me pose depuis quelques années. Je pense que c’est multifactoriel et qu’on s’est beaucoup focalisé sur certains métiers. La science médicale s’est dissociée de l’analyse globale du patient pour en faire des spécialités. Au travers de tout cela, la diététique n’avait pas spécialement beaucoup d’importance mais finalement j’ai difficile de répondre à la question…


Nous nous trouvons effectivement dans un tournant majeur parce que nous venons de voir que la nutrition est un facteur qui aurait pu sauver des vies. Il est grand temps que les personnes concernées par cette réglementation, ces responsables au niveau de l’INAMI ainsi que du politique se réveillent et prennent en compte nos demandes. Celles-ci, ont été envoyées par courrier au ministre et à l’INAMI dans le but d’obtenir un élargissement des remboursements des consultations diététiques en tenant compte de toute les données cliniques que nous avons aujourd’hui. Nous avons été, je pense, trop longtemps dans l’ombre. Comme je vous l’ai dit, le diététicien fait son métier surtout avec passion. Il est possible que le passionné soit un peu timide. A nous de faire un peu plus de bruit, de parler de notre métier, de notre passion.


Finalement, manger c’est quelque chose qui est acquis mais également inné et donc tout le monde pense savoir ce qu’il faut faire. Cependant, dans la science dentaire personne ne sait réparer une carie, il faut l’apprendre. Pour faire un métier manuel comme plombier, il faut apprendre ce métier. Dans la science de la nutrition tout le monde semble savoir comment manger. Sur ce point-là, l’industrie ne nous a pas vraiment aidé parce qu’avec l’essor des produits ultra-transformés, ils ont facilité la vie de tout le monde. Cela dit, il ne faut pas tout négativer car cette industrie nous a permis d’avoir des échanges internationaux, de meilleures conditions de propreté et d’hygiène etc. Je ne remets pas cela en cause mais ce que je remets en question c’est le fait, qu’aujourd’hui, il faut réapprendre aux personnes à manger correctement.

Je pense que ce tournant majeur il est là, le diététicien a sa place en première ligne (également en deuxième ligne) dans une équipe pluridisciplinaire mais il faut peut-être nous remettre en question sur le fait de ne pas être connus du grand public. Peut-être sommes-nous trop timides ou pas assez proactifs. J’ai la chance de travailler au sein du conseil d’administration du l’UPDLF, l’Union Professionnelle des Diététiciens de la Langue Française, dans une équipe formidable et qui a envie de faire reconnaître ce beau métier au travers de courriers, de formations. Nous allons développer toute une série de projet pour faire reconnaître ce métier au niveau du grand public. Cela va prendre du temps mais j’y crois !


Vous êtes le fondateur du groupe de travail sur « l’écologie alimentaire », pouvez-vous nous expliquer ce concept et son importance dans le contexte actuel ?


Ce projet est né de mon expérience professionnelle où j’ai eu l’opportunité moi-même de vivre et d’innover puisque j’ai créé mon propre magasin biologique, que je n’ai plus pour le moment mais cela m’a fait vivre une expérience formidable. Je me suis dit : « il est grand temps de se réveiller en tant que diététicien ». Quelque part avec toutes les informations alarmantes qu’il y a au niveau de la situation de la planète et la complexité de notre environnement économique et agroalimentaire, je me suis posé la question de la place du diététicien dans ce cadre-là. Il est clair que moi-même intéressé par le développement durable, il m’a semblé tout à fait logique d’aider les gens à se perfectionner dans ce domaine.


Pour définir l’écologie alimentaire nous pourrions citer le titre d’un bon livre français : « la nutri-écologie ». En fait, peu importe le terme que l’on va mettre, l’important c’est de créer des connaissances sur la réalité actuelle de notre société, comme la technologie alimentaire, les réseaux de production dont les circuits courts, l’agriculture des industries agro-alimentaires, de marketing, de communication, … Tout cela repris sous forme de discussions, de formations et de capsules pour que finalement le diététicien comprenne mieux le monde d’aujourd’hui. Pour que les diététiciens soient encore mieux informés sur les produits, les méthodes que les industriels utilisent, la manière dont le petit paysan du coin produit ses tomates, si celui-ci travaille de manière conventionnelle avec des pesticides, de comprendre pourquoi il travaille avec ces produits et quelles raisons économiques il y a derrière. En fait, l’idée c’était d’aller très loin dans l’analyse.


Ce projet est tellement complexe et grand que nous sommes obligés maintenant avec l’aide de deux diététiciennes avec qui j’ai fondé le GDEA (« le groupe de diététiciens orienté sur l’écologie alimentaire »), de nous focaliser sur certains surjets. Nous allons faire des sujets précis parce que l’écologie alimentaire, c’est tellement vaste, que nous souhaitons être en harmonie avec les besoins des diététiciens qui au départ attendent de nous plutôt une récolte d’informations, d’innovations et de nouvelles compétences à acquérir pour être orientés vers le monde moderne. Ce monde va s’orienter sur des changements de comportements alimentaires, économiques, sur les circuits courts et sur le développement durable. En toute transparence, ces piliers ont été très peu abordés dans le cursus de diététique et mon intérêt est de partager ce bagage avec d’autres diététiciens en faisant la promotion de cette « écologie alimentaire » pour bien comprendre finalement que le diététicien a une place énorme pour faire en sorte d’avoir un monde meilleur tout simplement.


L’interview touche à sa fin, n’hésitez pas à partager notre travail autour de vous si vous estimez que cela peut aider un proche, une connaissance ou un collègue. Notre page accorde beaucoup d’importance à promouvoir l’art de s’alimenter sainement tout en respectant notre planète comme Mr Garin et le GDEA s’efforcent de le faire.


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