Pour continuer dans le thème du jeûne, nous allons aborder avec vous la diète cétogène. Ce sujet sera scindé en 2 articles. Dans un premier temps nous vous présenterons les principes de la diète cétogène. Et dans un second temps, ses intérêts et risques pour la santé.
Commençons par un peu d’histoire:
Au temps de la Rome antique, l’épilepsie (maladie neurologique complexe) était considérée comme une possession démoniaque. Les personnes en souffrant étaient enfermées plusieurs jours sans manger et leurs crises disparaissaient. Par la suite, le jeûne a alors été considéré comme un traitement de ces crises d’épilepsies.
Au cours des années 1920, un médecin a cherché à les diminuer sans passer par le jeûne alimentaire. À la suite de la découverte de la production de corps cétoniques lors du jeûne ou d’une consommation faible en glucides et riches en lipides, il s’est basé dessus pour mettre en place le régime cétogène. Bien que donnant de bonnes réponses sur la diminution des crises d’épilepsies, l’arrivée d’antiépileptique pharmaceutique a entrainé le déclin de ce régime.
Vers les années 1990, le régime cétogène a connu un regain d’intérêt afin de prendre en charge les patients épileptiques pharmaco résistants (c’est-à-dire ne répondant pas aux traitements médicamenteux).
De nos jours, l’utilisation du régime cétogène dans la prise en charge de l’épilepsie réfractaire est de plus en plus admise. De nombreux articles scientifiques ont été publiés ces dernières années, montrant une hausse de l’intérêt portés aux corps cétoniques et l’application du régime cétogène, dans une multitude de contextes. Les sujets de recherches sont très variés dans ce domaine allant du cancer aux performances sportives. Il est donc essentiel de savoir quels sont les intérêts admis d’un tel régime et si celui-ci peut présenter divers risques pour la santé.
Le régime cétogène en bref :
Le régime cétogène est un régime thérapeutique strict, restrictif et difficile à mettre en place, nécessitant une équipe multidisciplinaire et un(e) diététicien(ne) compétent. Le principe est d’imiter les changements métaboliques induits dans l’état de jeûne. Pour se faire, il faut pousser le corps à produire plus de corps cétonique (en augmentant drastiquement l’apport en lipide) mais en couvrant les besoins énergétiques de l’organisme.
Une alimentation normale et équilibrée aura une répartition de l’ordre de 9 à 11% de protéines, 30 à 35% de lipides et au moins 55% de glucides pour un adulte sain, afin d’apporter tous éléments nutritifs dont le corps à besoin pour fonctionner (Css, 2016) (1). Tandis que la répartition des macronutriments pour un régime cétogène est de l’ordre de 70 à 90% de l’apport énergétique total (AET) journalier en lipides et le reste en protéines et glucides. Un tel pourcentage de l’apport en lipides induit inévitablement une restriction de certaines classes alimentaires (fruits, légumes et céréales, ...).
Les grands principes:
L’adaptation métabolique au jeûne
Le glucose est la principale source énergétique du corps dans un état nourrit et notamment pour le cerveau, le globule rouge et le muscle en activité. Cependant après un repas, plusieurs états vont se succéder (GF.Cahill, Jr, 2006) (2) :
Un état post-prandial, où les nutriments seront à disposition et l’apport de glucose sera exogène, on verra de plus une augmentation du stock de glycogène.
Un état post-absorptif (à distance des repas : plus de 5 heures et 24 heures maximum), où l’offre de glucose (glycogénolyse, lipolyse et un peu de gluconéogenèse) sera égale à la demande de glucose (utilisation par le cerveau et autres tissus).
Un état de jeûne prolongé (au-delà de 24 heures), où on aura un apport de glucose essentiellement par gluconéogenèse (production de glucose à partir d’une autre molécule) avec utilisation des protéines (protéolyse). Et début de la cétogenèse pour fournir une source d’énergie alternative au glucose, les corps cétoniques.
Un état de jeûne de plusieurs jours, où on aura une baisse de la protéolyse qui va persister à faible niveau et une augmentation de la cétogenèse.
Les cinq stades métaboliques entre l'état postabsorptif et l'état presque stable de famine prolongée (GF.Cahill, 2006)
Le régime cétogène est un régime ayant pour but d’imiter le jeûne prolongé mais en apportant une quantité adéquate de calories au corps principalement venant des lipides. Ce substrat énergétique va subir une (β-)oxydation au niveau du foie. Au bout de plusieurs jours d’une consommation réduite de glucides, les effets similaires au jeûne vont être observés.
Sans entrer dans les détails biochimiques, sachez juste que le corps ne va pas utiliser les glucides comme source énergétique (car il y en plus assez). Mais à la place il va utiliser les lipides et produire des corps cétoniques (Beta-hydroxybutyrate, Acétoacétate et Acétone). Ceux-ci seront utilisés comme carburant métaboliques par de nombreux tissus périphériques (cœur et muscles squelettiques) et en cas de jeûne comme source d’énergie principale du cerveau (la biochimie n'est pas abordée ici, mais si vous voulez en savoir plus, dites-le-nous).
La pratique:
Plusieurs formes de régimes cétogènes existent. Ils se différencient par leur proportion entre les lipides (ainsi que leur nature) et les autres nutriments énergétiques non lipidiques (glucides et protéines). Il y a donc des régimes cétogènes classiques, des régimes cétogènes à triglycéride à moyenne chaine (TCM), ainsi que des régimes cétogènes modifiés (régime Atkins modifié etc.) qui permettent plus de flexibilités et facilite le suivi du régime (Shaw.V et M.Lawson, 2007). (4)
Répartition des lipides, glucides et protéines en fonction des différents types de régimes (Dozières-Puyravel.B et S.Auvin, 2017) (5)
Pour catégoriser les différents types de régimes cétogènes et faciliter la prise en charge (particulièrement en clinique), une nouvelle valeur énergétique a été mise en place : l’unité diététique (UD). Celle-ci est définie par la quantité de calories en lipides plus la quantité de calories en glucides et protéines, on voit alors les différents types de régimes cétogènes tel que 4 à 1 (Desbordes.D et M-C.Burger, 2006). (6)
L'unité diététique (Shaw.V et M.Lawson, 2007) (4)
Le principe est d’augmenter la part des lipides dans l’alimentation, garder un apport recommandé pour le poids et l’âge en protéine et baisser petit à petit les glucides. On commencera alors à un régime cétogène de ratio 2 :1 avec une évolution progressive vers le ratio 4 :1. En clinique, on considère que si un régime alimentaire contient plus de 100 grammes de glucides exogènes, il n'y a pas de cétose (<0,1 mM) (GF.Cahill, Jr, 2006) (2) .
Un suivi régulier de certaines constantes est à prévoir comme la présence de corps cétoniques dans le sang, ceux-ci doivent être surveillés de près s’ils dépassent 5 mmol/L sous risque d’hypercétose (l’acido-cétose diabétique se situe à environ 15-20 mmol/L). De plus il faut faire attention aux signes d’hypoglycémie durant les premiers jours (Shaw.V et M.Lawson, 2007). (4)
La semaine prochaine, vous verrez les intérêts connus et les intérêts récents de la diète cétogène. Mais aussi ces risques pour la santé.
Références :
1. CSS. Conseil Supérieur de la Santé. Recommandations nutritionnelles pour la Belgique - 2016. s.l. : Bruxelles: CSS; 2016. Avis n° 9285, 2016.
2. GF.Cahill, Jr., Fuel Metabolisme In Starvation. Annual reviews. 2006.
3. Voet.D et J.G.Voet. Biochimie. s.l. : de boeck, 2005. pp. 928-930.
4. Shaw.V et M.Lawson. Clinical Paediatric Dietetics. Southampton : Blackwell Publishing, 2007. pp. 309-322. Vol. 3. 978-14051-3493-4.
5. Dozières-Puyravel.B et S.Auvin., Ketogenic diet for children with epilepsy. Pratique Neurologique - FMC. ScienceDirect, 2017, Vol. Volume 8, Issue 3, September 2017, Pages 132-143. Erratum de l'article- Pratique Neurologique - FMC, Volume 9, Issue 3, September 2018, Pages 234.
6. D.Desbordes ET M-C.Burger., Le régime cétogène et son application pratique. www.afdn.org. [En ligne] Service de pédiatrie CHRU de Strasbourg, 2006. http://www.afdn.org/fileadmin/pdf/id-regime-cetogene.pdf.