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Le régime cétogène: ses intérêts et risques pour la santé

Bonjour la semaine dernière nous vous avions parlé du principe de la diète cétogène. Aujourd’hui, nous allons voir ses intérêts et risques pour la santé.


Intérêt du régime cétogène:

Intérêts connus:

Le régime cétogène est très connu dans le domaine de la neurologie pédiatrique, une de ses premières utilisations a été pour remédier à différents types d’épilepsies pharmacorésistantes (résistante aux médicaments), avec incapacité de maîtriser les crises après l’ajout d’un deuxième médicament. (MJ.Alberti et coll., 2016) (7).


Les mécanismes d’action du régime cétogène pour l’épilepsie sont encore mal connus et au stade d’hypothèses. Plusieurs d’entre elles suggèrent que les corps cétoniques (oxydation des lipides) en grande quantité soient captés par les astrocytes puis transformés en glutamate et en glutamine. Celle-ci étant libérée et réutilisée par les neurones pour former du glutamate et du GABA. En résumé les corps cétoniques pourraient entrer dans le cycle du glutamate-glutamine et augmenteraient la production de GABA qui est un neurotransmetteur inhibiteur cérébrale. Cela abaisserait le nombre de crises épileptiques. D’autres hypothèses existent et sont en cours d’étude. Il n’en reste pas moins que D’autres hypothèses existent et sont en cours d’étude. Il n’en reste pas moins que l’efficacité du régime a été démontrée par des essais randomisés montrant que, après mise en place d’un régime cétogène[2], 75 % des enfants ont une diminution de plus de 50 % des crises et la moitié voient la fréquence des crises diminuer de plus de 90 % au bout de quelques mois (Dozières-Puyravel.B et S.Auvin, 2017). (5)

De plus le régime cétogène est aussi utilisé comme thérapie pour des erreurs innées du métabolisme, dont certaine l’efficacité est dite « possible » mais non prouvée (MJ.Alberti et coll., 2016) (7) :

  • La déficience en GLUT1 : maladie génétique rare dans laquelle le transporteur spécifique du glucose à travers la barrière hémato-encéphalique (barrière entre le sang et le cerveau) est déficitaire. Dans ce cas le régime cétogène est efficace car les corps cétoniques utilisent un transporteur différent de celui du glucose pour traverser la barrière hémato-encéphalique, et sont utilisés par le cerveau comme source d’énergie alternative.

  • La déficience en pyruvate déshydrogénase (une enzyme de la glycolyse) : maladie neurologique où le pyruvate sera en excès et donc transformé en acide lactique (risque d’acidose=sang trop acide). Le régime cétogène permet un apport de glucose limité au faible fonctionnement de l’enzyme.

  • Etc.

Etudes récentes:

En lisant l’actualité on peut tomber sur un grand nombre d’articles parlant du régime cétogène et de son effet bénéfique dans divers domaines. Ici on va essayer de résumer les études les plus récentes de façon non exhaustive afin d’essayer de comprendre les gros titres que l’on peut parfois lire dans nos journaux.

Régime cétogène et cancer:

Les preuves de l’efficacité du régime sur l’Homme restent limitées à de petites études et il est généralement utilisé en dernier recours. L’état de cétose pourrait effectivement entraîner une induction du stress oxydatif chez les cellules cancéreuses, soutenant ainsi l'effet de la chimiothérapie et de la radiothérapie (SM.Zick, et coll., 2018). (8)

Cependant, outre le fait qu’une mauvaise application du régime cétogène puisse entrainer des risques de carences en micronutriments. Une récente étude suggère que l’application du régime cétogène comme traitement de complément en oncologie nécessite au préalable que ses effets sur les tumeurs soient évalués pour chaque type et sous type de cancer. En effet, des études chez l’animal montrent des effet antitumoraux, mais quelques-unes présentent des effets pro-tumoral du régime cétogène (notamment pour le cancer du rein) (D.Weber et coll., 2018) (9). Bien que ces études aient été réalisées sur l’animal, il est nécessaire d’attendre des résultats d’essais cliniques randomisés contrôlés chez l’Homme afin de pouvoir conclure sur l’effet du potentiel du régime cétogène. (9) (8)


Données précliniques indiquant l’effet d’un régime cétogène sur la croissance et la progression tumorales (D.Weber et coll, 2018)

Régime cétogène et syndrome métabolique:

Etant donné que le développement du syndrome métabolique (surpoids, hypertension, hyperglycémie à jeun, triglycérides élevés, ...) a été associé à des régimes non équilibrés, en faveurs d’une alimentation riche en glucides, le régime cétogène a donc été proposé pour pallier cet effet. Différentes études et méta-analyses ont étudié ses effets sur l’obésité, le diabète, les dyslipidémies (taux anormal de lipides dans le sang), la Stéatose hépatique (foie gras).

Il en résulte de l’utilisation du régime cétogène isocalorique (sans restriction énergétique) chez des sujets en surpoids, une perte de poids et particulièrement de masse grasse. Cette perte serait importante au début du régime et se maintiendrait sur l’année, mais des études sur le long terme sont nécessaires. Plusieurs hypothèses existent sur l’effet du régime au niveau de la perte de poids (régime plus couteux en énergie ou régime abaissant l’appétit) mais les mécanismes ne sont pas encore bien établis (Kosinski.C et FR.Jornayvaz, 2017) (10). Une autre étude, utilisant un régime cétogène très faible en calories, montre une perte de poids importante (jusque 18 kg de masse grasse) chez des sujet obèse (IMC ~35 kg/m²) en 4 mois. Et ceci avec une amélioration du contrôle alimentaire et des paramètres de bien-être psychologique qui pourrait être renforcé par l’effet de cétose (AI.Castro, et coll., 2018) (11). Mais ceci sort du contexte du régime cétogène classique isocalorique.

Chez des sujets insulinorésistants et diabétiques de type 2, le régime cétogène induirait une amélioration de la sensibilité à l’insuline et une régulation de la glycémie et parfois sans perte pondérale associées. Cependant, un régime riche en lipide et pauvre en glucide (sans pour autant parler de régime cétogène) induirait le développement de la résistance à l’insuline chez des sujets sains. De plus un régime cétogène avec un contenu lipidique d’origine animale plutôt que végétale montre une augmentation de risques de développer un diabète de type 2. Enfin, il semblerait que les effets positifs du régime cétogène sur le diabète de type 2 et l’insulinorésistance soient limités à une ou deux années (10).

De plus, certaines études ont évalué l’effet du régime cétogène sur l’impact du profil

lipidique. Ils ont montré qu’un régime cétogène orienté sur des acides gras non saturés était associé à une diminution du cholestérol total, du LDL-cholestérol, des triglycérides et à une augmentation du HDL-cholestérol. A l’inverse un régime cétogène orienté vers une plus grande proportion d’acides gras saturés entrainait une augmentation du LDL-cholestérol. (10)

Enfin, chez le rongeur, des études sur le régime cétogène rapportent une induction de l’inflammation hépatique, de l’accumulation de lipide au niveau hépatique et ainsi d’une résistance à l’insuline. (10) Cependant, une étude récente sur l’Homme montre qu’une intervention à court terme avec un régime isocalorique faible en glucides et accrue en protéines favorise de multiples bénéfices métaboliques chez les humains obèses atteints de la NAFLD (Non alcoolique fatty liver disease = foie gras) (A.Mardinoglu et coll., 2018). (12)

Régime cétogène et Sport

Une recherche de la performance sportive signifie de toujours se surpasser pour être le meilleur et essayer de nouvelles choses afin d’augmenter ses performances. Le monde du sport étant extrêmement lié au monde de la nutrition, c’est pourquoi il n’est pas étonnant, à la suite de l’essor du régime cétogène, que les athlètes essayent ce type d’alimentation.

Le régime cétogène est plus connu dans le monde du sport d’endurance, car il pourrait palier à la limite que sont les glucides lors d’activité de longue période. En effet un athlète d’endurance sera vite limité par sa réserve de glucose endogène et il devra prendre des glucides exogènes durant l’effort (type boissons sucrées avec électrolytes etc.). Une étude a émis l’hypothèse que le régime cétogène, chez un athlète, débloque un réservoir de carburant beaucoup plus grand qu'un régime à base de glucides. Ceci grâce à une augmentation de l’utilisation des réserves de graisses endogène (observé après 4 semaines de régime cétogène chez l’athlète) ; ce qui réduit le besoin de supplémentation en glucides pendant l'exercice. L’étude compare 2 groupes d’athlètes d’endurance masculin, un groupe suivant un régime cétogène et l’autre un régime riche en glucides, durant 12 semaines. Les résultats montrent qu’au bout de 12 semaines de céto-adaptation, peu de différences significatives sur la moyenne du groupe n’ont été observées au niveau des performances athlétiques. Néanmoins, le groupe qui a suivi le régime cétogène, a perdu une quantité non négligeable de masse grasse (T.McSwiney et coll., 2017). (13)

De plus, une étude a cherché à déterminer si un régime cétogène pourrait être utilisé comme stratégie de réduction du poids pour les athlètes de force (haltérophilie). Les résultats sont assez similaires à l’étude précédente, avec une perte de poids significative et non négligeables ainsi que des performances inchangées (D.A.Greene et coll., 2018) (14).

Cependant les études ont été réalisées sur des petits échantillons, il serait intéressant d’avoir des essais cliniques randomisés futurs portant sur le même sujet avec un nombre plus important d’individu etc.

Autres:

Le régime cétogène est aussi étudié dans beaucoup d’autres types de pathologies et nécessite des recherches approfondies ; Alzheimer, Parkinson, l’autisme, les maladies cardio-vasculaires, la dépression, alcoolisme, etc.

Risques du régime cétogène:

Les contre-indications:

Des contre-indications absolues à l’utilisation du régime cétogène existent (5) (7) (4):

  • Anomalies du métabolisme (de l’oxydation des acides gras, du transport des acides gras, de la néoglucogénèse, de la cétogenèse et de l’utilisation des corps cétoniques, de la pyruvate-carboxylase, ...)

  • Insuffisance rénale, hépatique et pancréatique

Contre-indications relatives :

  • Maladie cardiaque

  • Retard de croissance et malnutrition sévère

  • Reflux gastrique sévère (remonté de l'acide de l'estomac)

  • Hypercholestérolémie familiale ( trop de cholestérol, d'origine génétique)

Les effets secondaires et complications:

Le régime cétogène est un régime particulier, loin des recommandations alimentaires, pour un adulte sain, établies par le conseil supérieur de la santé. Celui-ci peut parfois contribuer à éliminer ou réduire fortement certaines classes d’aliments comprenant un haut taux de glucides. Et contribuer par extension à entraîner des carences en énergie, protéines, minéraux, vitamines et un apport excessif en lipides, avec un risque d'effets secondaires indésirables. (7)

Plusieurs effets secondaires sont reconnus et ont été décrit dans la littérature scientifique notamment grâce au traitement de l’épilepsie pharmacorésistante (résistant aux médicaments) (4) (5). Il est donc important de noter qu’il est difficile d'établir si ces complications sont liées au régime cétogène ou à des agents anticonvulsivants[3], ou sont secondaires à la maladie sous-jacente.

  • Les troubles gastro-intestinaux comme la constipation, la diarrhée, les reflux, les vomissements et les douleurs abdominales sont les problèmes les plus courant en raison de la nature riche en gras et souvent faible en fibres, du régime.

  • Des carences en micronutriments (certaines vitamines hydrosolubles, calcium, etc.) peuvent survenir en raison de l’aspect restrictif du régime. Cependant en clinique, une supplémentation est très souvent appliquée.

  • Des taux augmentés de cholestérols sériques et de triglycérides (souvent lié à la nature des graisses), mais il y a peu de donnés de l’effet sur le long terme.

  • Des troubles métaboliques peuvent survenir de façon peu fréquente, comme une hypoglycémie, une acidose, une hyperuricémie, une hypocalcémie, une hypomagnésémie, une hypokaliémie, une hypercétose, etc.

  • Il peut y avoir une réduction de la vitesse de croissance chez les enfants. Même si dans la plus grande partie des cas l’apport énergétique et protéique adéquat permet un taux de croissance normal.

  • Une réduction de la densité osseuse peut être observée. En effet, l'acidocétose chronique entraînerait une augmentation de la demande de minéraux osseux pour la capacité tampon et une diminution de la conversion rénale de la vitamine D. Une étude a montré une diminution de la masse osseuse accumulée chez les enfants suivant un régime cétogène, appuyant les résultats d’études précédentes. Cependant plus aucun effet similaire n’aurait été observé chez l’adulte suivant un tel régime (PJ.Simm, et coll., 2017) (15)

  • Des calculs rénaux (pierres aux reins), pancréatites (inflammation du pancréas) et calculs biliaires peuvent survenir de façon peu fréquente.

  • Des troubles de l’alimentation, comme la perte d’appétit ou le rejet de certains aliments, surtout lié à la palatabilité (texture d’un aliment, le rendant plus ou moins agréable au palais) du régime cétogène. (4) (5) (7)

Tous ces effets ne sont généralement pas sévères dans le cas d’un régime cétogène thérapeutique, car les patients sont très bien suivis par le corps médical, ce qui permet de régler certains problèmes dès leurs apparitions ou suspicions d’apparitions. Cependant, le régime tend à se démocratiser au grand public, cherchant souvent à perdre du poids ou à suivre la nouvelle « mode alimentaire ». Il est important de se demander si les risques, bien que minimes, d’un tel régime, peuvent s’avérer dangereux pour des personnes non médicalement accompagnées.

Conclusion:

Ces dernières années l’augmentation de l’intérêt pour le régime cétogène touche autant la science que le grand public. Il est très bien établi pour certaines pathologies avec des protocoles et un suivi strict par des équipes médicales compétentes. Cependant, nous sommes encore loin de comprendre tous les mécanismes d’un tel régime particulièrement à long terme et par extension des corps cétoniques, dont les interactions métaboliques sont de plus en plus étudiées.

De plus, le régime cétogène reste un régime très compliqué à mettre en place et à suivre. Il nécessite une rigueur et des connaissances importantes. Il peut vite s’avérer délétère à long terme pour une personne sans aides médicales. Tant au niveau nutritionnel, car il peut amener principalement des troubles gastro-intestinaux et des carences en micronutriments. Tant au niveau psychologique, car c’est un régime dur à suivre, il change les habitudes de vie de la personne et sa palatabilité ne plait pas souvent.

Enfin, bien que le régime cétogène soit un régime non équilibré et pour le moment appliqués à des pathologies particulières, des études futures sur le mode d’action des corps cétoniques permettront d’établir de meilleures recommandations en termes de santé publique, d’utilisation thérapeutique et des performances sportives.


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Références:

Livres et documents électroniques


1. CSS. Conseil Supérieur de la Santé. Recommandations nutritionnelles pour la Belgique - 2016. s.l. : Bruxelles: CSS; 2016. Avis n° 9285, 2016.

3. Voet.D et J.G.Voet. Biochimie. s.l. : de boeck, 2005. pp. 928-930.

4. Shaw.V et M.Lawson. Clinical Paediatric Dietetics. Southampton : Blackwell Publishing, 2007. pp. 309-322. Vol. 3. 978-14051-3493-4.

6. D.Desbordes ET M-C.Burger., Le régime cétogène et son application pratique. www.afdn.org. [En ligne] Service de pédiatrie CHRU de Strasbourg, 2006. http://www.afdn.org/fileadmin/pdf/id-regime-cetogene.pdf.

Articles scientifiques

2. GF.Cahill, Jr., Fuel Metabolisme In Starvation. Annual reviews. 2006.

5. Dozières-Puyravel.B et S.Auvin., Ketogenic diet for children with epilepsy. Pratique Neurologique - FMC. ScienceDirect, 2017, Vol. Volume 8, Issue 3, September 2017, Pages 132-143. Erratum de l'article- Pratique Neurologique - FMC, Volume 9, Issue 3, September 2018, Pages 234.

7. MJ.Alberti et coll.,Recommendations for the clinical management of children with refractory epilepsy receiving the ketogenic diet. Arch Argent Pediatr. 2016, Vol. 2016;114(1):56-63.

8. SM.Zick, et coll., Pros and Cons of Dietary Strategies Popular Among Cancer Patients. CancerNetwork. 15 Novembre 2018, Vol. 32, 11.

9. D.Weber et coll., Ketogenic diet in cancer therapy. AgING. 11 Février 2018, Vol. 10, 2, pp. 164—165.

10. Kosinski.C et FR.Jornayvaz., Diètes cétogènes : la solution miracle ? Revue Médicale Suisse. 2017, Vol. 13, pp. 1145-1147.

11. AI.Castro et coll., Effect of A Very Low-Calorie Ketogenic Diet on Food and Alcohol Cravings, Physical and Sexual Activity, Sleep Disturbances, and Quality of Life in Obese Patients. Nutrients. 21 septembre 2018, Vol. 10, 10.

12. A.Mardinoglu et coll., An Integrated Understanding of the Rapid Metabolic Benefits of a Carbohydrate-Restricted Diet on Hepatic Steatosis in Humans. Cell Metabolism. 15 Février 2018, Vol. 27, 3, pp. 559-571.

13. T.McSwiney et coll.,Keto-adaptation enhances exercise performance and body composition responses to training in endurance athletes. Metabolism clinical and experimental. 2017, Vol. 81, pp. 25-34.

14. D.A.Greene et coll., A low-carbohydrate ketogenic diet reduces body weight without compromising performance in powerlifting and olympic weightlifting athletes. Journal of Strength and Conditioning Research. 01 Décembre 2018, Vol. 32(12), pp. 3373–338.

15. PJ.Simm, et coll., The effect of the ketogenic diet on the developing skeleton. Epilepsy Research. 2017, 136, pp. 62-66.

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